vendredi 3 mai 2013

le jour où je suis devenue une bombasse


Y a des métiers, tu te dis que dans le fond, ils ne sont pas si compliqués. Des métiers qui te permettent financièrement d’acheter une paire de louboutins matin, midi et soir sans culpabiliser.

En gros, le taff qui t’offre la possibilité de bien gagner ta vie, sans que tu n’aies besoin de prononcer la moindre parole, qui fait rêver et qui en prime te rend jolie, ça reste quand même le mannequinat. Bon, pas le mannequinat à deux balles où tu poses pour le carrossier du coin et où tu te retrouves à moitié nue sur une affiche portant le slogan : « Avec Jean-Marie Automobile Gouaille, gardez une carrosserie au poil. »

Non ! Moi je parle du vrai mannequinat. Celui où la bouche entrouverte, le regard « je-suis-mystérieuse-kidnappe-moi-tout-de-suite », tu tiens nonchalamment au bout de tes doigts un sac Chanel, tout en gardant une courbure de reins à faire pâlir d’envie Beyoncé. En gros, le mannequinat chic, glamour, je ne suis pas une tasspé (… mais je n’en suis pas loin).

Alors, qu’on se le dise tout de suite : ok, ça fait rêver, ok tu crois que c’est à ta portée. Eh bien moi, je casse tes rêves illico presto, ce job c’est pire que d’avoir 6 ans en Chine et d’être gymnaste professionnelle. C’est une torture de tous les instants. Rassurez-vous, je ne suis pas mannequin pro, même si mon œil de velours et mon orteil aguerri laissent présager le contraire.

Il y a quelques semaines déjà, je me suis frottée au shooting photo pour l’émission Instants femmes qui sera diffusée sur les ondes de Radio Gâtine, D4B et Pulsar en juin prochain. Les photos seront publiées sur le site internet de l’émission, s’ensuivra un débat radiophonique autour de la femme d’aujourd’hui, de son rapport à l’image dans les médias, internet, les blogs.  (La classe ou pas la classe ?)

Bref, me voilà donc un mercredi après-midi,  trousse de maquillage à la main, crème antirides de l’autre, le talon s’enfonçant dans la pelouse de chez Romuald Goudeau, photographe professionnel qui s’est également prêté au jeu de l’émission. N’étant pas encore une vraie Hit girl je n'avais ni coiffeuse, ni maquilleuse à ma disposition, je me suis donc débrouillée alone. En 15 minutes top chrono je t’ai bidouillé un charbonneux sur l’œil, une bouche glossy glossy et un teint  « chérie-je-reviens-d ‘Hawaï-c'était-M.A.G.I.Q.U.E ».

Jusque-là, même si tu as la mèche rebelle et l’eye-liner coulant, tout va bien. Là où ça se corse c’est quand Romuald te plante sur un fond blanc, qu’il met de la musique pour je cite : « te détendre » et qu’il ajoute presque automatiquement : « vas-y pose ! »

Grimacer tu sais faire. Imiter Chaplin, Beregovoy ou Céline Dion, c'est également possible pour toi, mais poser comme Gisele Bündchen, là, y a comme un hic (Jenifer, si tu nous regardes ! On te fait un bisou).

"Bon Romu, je fais comment? Tu sais, je n'ai pas l'âme d'une bombasse moi." Il faut savoir qu'en règle générale, le photographe est paternaliste. "Mais non, je t'assure tout va bien se passer. Tu es très jolie. Cette robe te va à merveille." Alors, en confiance, tu tentes un jeu de jambes aléatoire, une regard vague, une bouche quémandeuse qui s'approche plus du furet affamé que de la sirène amoureuse. Puis au bout de quelques heures de shooting, tu te rends compte que le photographe est également hypocrite. Il te dit toujours "superbe, génial ! J'adore." puis il ajoute  "Tu veux pas te cambrer un peu plus, lever ta jambe, étirer ton cou ?" Donc en résumé, il te trouve superbe, mais il te somme de te contorsionner comme pour un numéro du plus grand cabaret du monde "parce que sinon, tu vois, ça te fait un double-menton. " Là, il te montre la photo où tu n'es ni cambrée, ni jambe levée. Tu découvres ton gras double et tu manques de perdre connaissance !

Plus tard, vers minuit...parce que oui ! Ca dure longtemps un shooting photo, tu découvres le côté pointilleux du photographe à chapeau. Ce qui l'intéresse, ce n'est pas toi ! C'est son éclairage, ses focales, son angle de prise de vue. Toi tu patientes en bretelles et sandales à -15, pendant que les passants alcoolisés viennent te parler. Quand 45 minutes plus tard, l'artiste est prêt (A la base il t'avait promis 15 minutes de préparation... le photographe est également menteur), toi tu es frigorifiée, t'as le nez rouge et tu apprends que tu dois tenir la pose sans bouger un ongle pendant 10 minutes. "car tu comprends on est en extérieur...", là, il te sort des détails techniques que tu n'écoutes plus, car tu es fatiguée, t'as froid, t'as mal aux pieds et tu ne rêves que de ton lit.

Voilà pourquoi être mannequin c'est compliqué. Tu t'es tellement cambrée, tu as tenu la pose tellement longtemps qu'un rendez-vous chez l'ostéo s'impose. Par ailleurs, tes pieds ont tellement pris le froid qu'une amputation imminente est à envisager.

Cependant, quand tu découvres le résultat, la beauté de l'éclairage, le jeu des lumières, tu te dis qu'être mannequin c'est dur, mais être photographe relève de la magie. La meuf que tu vois à l'écran c'est toi et tu oublies un instant que tu as failli lui faire bouffer son chapeau au photographe. Toi, tu te trouves presque belle, presque glamour. Chaplin, Beregovoy et Céline Dion sont bien loin maintenant. La bombasse en photo avec la mou boudeuse, le regard "kidnappe-moi", c'est toi et pas une autre !

Merci Romu.

4 commentaires:

  1. Une lucide dérision pour un texte lumineux. Derrière le pâle miroir aux alouettes, il y a toujours une bonne fée qui veille sur le talent.

    Daniel Savary

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  2. Ahahahahaaaaaa... quelle verve!! et quelle classe!! tu es somptueuse cousine, et ce talentueux photographe, si doué soit-il, n'y est pour rien!! c'est juste la magie de la génétique :)
    Bisettes

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  3. Merci Daniel pour ces jolis compliments. Venant d'un bloggeur/ecrivain, ca me touche d'autant plus.

    Cousine, je te remercie pour tout ça, tout ça...je risque même de verser ma petite larmichette ;). Plein de bises.

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  4. La lucidité et la dérision évitent de devenir un cliché stéréotypé. Félicitations pour ce texte divertissant et bien pensé. Do.

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